
Précédemment dans le blog, je parlais de divers désordres qui survenaient au bâtiment terminé, de ces vieillissements prématurés, et comment les prévenir. Ce retour d'expérience "matériel" s'obtient rapidement, une fois suivis quelques chantiers et leur parfait achèvement; et une fois visité quelques autres bâtiments.
Il y a cependant un aspect moins tangible et pourtant encore plus central dans l'architecture qu'il conviendrait d'analyser: le retour d'expérience de l'usage. Interroger les utilisateurs, les observer utiliser le bâtiment: il semblerait que les architectes qui prennent le temps de cette analyse ne soient pas si nombreux. Au niveau littérature, de même, on est guère gâtés, exception faite des ouvrages d'urbanismes. Mais, à l'échelle d'un bâtiment, si peu de choses! Les ouvrages les plus approchants étant sans doute les cahiers de prescription des bailleurs sociaux, qui sont pour certains très exhaustifs.
Pourtant, il y aurait tant de choses à apprendre: les utilisateurs disposent-ils d'assez de rangements? Sont-il incommodés par le soleil? Les vis-à-vis sont-ils supportables? L'acoustique est-elle agréable, les parcours également? La qualité de l'air? La lumière artificielle est-elle de qualité? Y'a-t-il des recoins extérieurs où s'accumulent les feuilles et les déchets? Les agents d'entretien sont-ils satisfaits du bâtiment? Les habitants dorment-ils bien? Quelle est la pièce préférée des professeurs d'une école? Les enfants aiment-ils leur cour de récréation? La signalétique est-elle efficace? Bref, est-ce que mon architecture et ses bienfaits virtuels se sont bien réalisés?
Par exemple, j'aimerais savoir quels sont les défauts et qualités, à l'usage, du magnifique jardin d'enfants Fuji de Tezuka Architects, en photo au début de l'article.
Je me venais à me rappeler ce simple devoir de retour d'expérience, au visionnage des lauréats de l'appel à projet "inventons le Grand Paris". Tous ces champs sur les toits, dans des serres, ou sur les façades (?) seront sans doute très bien réalisés, mais seront-il bien utilisés? Il y a certes de super bureaux d'études spécialisés qui répondent par l'affrmative, mais je suis plus pessimiste; car la plupart des opérations de cet ordre, jusqu'ici, ne sont pas (encore) rentables. L'intérêt est trouvé ailleurs: communication d'une société (qui a des ruches sur son toit), activités pour scolaires (dans un quartier où il n'y a plus aucun m² de pleine terre), logique d'un restaurant hipster hyper local, exutoire pour employés stressés (on a vu ça dans un hôpital), etc. Ces intérêts très spécifiques sont nécessairement liés à un programme spécifique. Pas sûr que cela fonctionne avec de simples habitations. Bref, on est encore dans une phase expérimentale, qui est rattrappée par le marketing actuel. En tout cas ces lauréats offriront dans quelques années un riche retour d'expérience de ce nouveau paradigme des jardin suspendus! À suivre.
Crédits photo d'introduction: Fuji Kindergarten par Forgemind ArchiMedia, licence CC by 2.0
RSS